La Voix du Topinambourg

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Le Pont des Isles de mon enfance - 5 - Le Jardin des délices

Publié par Alain de Malglaive sur 17 Mars 2019, 19:07pm

Catégories : #pont des isles, #le Vistre, #rivière, #jardin, #allée, #banc

C’est un Mas Provencal paradisiaque, où nous passions nos vacances,  dans un parc immense pour nos yeux d'enfant.
Les lieux forment une sorte d'oasis curieusement verdoyant, qui tranchent avec le paysage aride de la campagne environnante, pourtant abondamment arrosée avec les eaux de la Compagnie du bas-Rhone.
Mes Oncles me confiaient, sur le ton de la confidence, chacun à sa façon, le secret de cette luxuriance surprenante:  Chut, c'est plus fort que pour Manon des sources. Dans notre cas, une rivière souterraine affleure carrément dans les sols du Pont des Îles!
Et il faut bien reconnaître qu'à une heure de l'après-midi, en plein cagnard, un séjour au salon vous donne une sensation frissonnante de fraîcheur toujours surprenante. D'ailleurs à l’intérieur de la maison, au rez de chaussée, les murs en pierre de Beaucaire, ressuent du salpêtre et de l'humidité sans discontinuer, été comme hiver.

Autre hypothèse, ce pont romain?

Sans doute fallait il comprendre, de cette manière, l'origine mystérieuse de ce beau nom: Le Mas du Pont des Isles.

Une sorte d'île à l'envers!
De l'eau entourée de terres quasi-désertiques.

Et qui dit Eau, dit Pont!

 

Bref! j'ai toujours été fasciné par ce nom extrêmement poétique  et évocateur. Il symbolisait, pour moi, la vie en communauté harmonieuse. Je sais bien que mon regard d'enfant en vacances, idéalisait les bon cotés de la situation sans en percevoir les difficultés.

 

La conformation du parc le rendait inaccessible pour une grande partie, à un adulte raisonnablement constitué.

 

Pour s'en rendre compte, il fallait prendre l'allée de Diane, longue avenue, régulièrement bordée de sobres bancs de pierre. Ces bancs enchâssés dans des massifs de buis en forme de canapés monumentaux, étaient rendus inutilisables pour leur vocation initiale. Ils constituaient, en revanche, des lieux de prédilection pour le menu fretin adepte des jeux de cache-cache. 

 

Plus on s'éloignait de la maison plus la végétation ornementale était envahie d'un enchevêtrement inextricable de buis, lianes, houx, orties et ronces.


Au bout de l'allée,  la statue supposée représenter Diane trônait glorieusement, décapitée comme pour signifier le passage dans le Monde sauvage. C'est à partir de ce point que la végétation urticante reprenait ses droits, y compris dans les allées.

Ne voulant pas être en reste sur l'emprise du terrain, certains, parmi les arbres somptueux et orgueilleux plantés savamment par des ancêtres érudits, reposaient nonchalamment en travers des allées. Ils dévoilaient ainsi de façon impudique leurs dessous racinaires, sorte de manifestation de dépit silencieux d'avoir été le jouet des hommes pour être finalement délaissés.


De toute cette luxuriance désordonnée, née dans un univers conçu ordonné, émanait une beauté sombre assez particulière.
Je me rappelle ces matins diaphanes où la rosée se disperse en brume légère alors que les rayons du soleil rasant, dévoilent en clair-obscur les frondaisons de guirlande végétale. Leur union transforme les toiles d’araignée en rideaux de perles iridescentes.

C'est à cette même heure que la douce chaleur du matin et la fraîche humidité du sol se mélangent pour constituer une symphonie des odeurs :

Orme de Sibérie

L'humus assure la mélodie entêtante de fond.

Les lauriers, eucalyptus et autres arbres à senteur enchaînent en les martelant de vigoureux solos odoriférants.

Par intermittence, les fleurs disséminées ça et là, pivoines ou violettes Lucéennes répandent en de frêles ondées passagères, leurs suaves arômes.

 

 

Lorsqu'un adulte déraisonnablement entêté, s'avisait d'explorer cet univers réservé, il devait l'affronter comme un fantassin à pied, muni d'une solide machette, ou encore comme un cuirassé, à l'abri, sur sa tour de guet mobile (le tracteur d'Oncle Raymond).
Pour lui, c’était un combat perdu d'avance:
Dans cet Univers, l'adulte se sentait égaré, là où chaque enfant, bien formé par son prédécesseur, connaissait toutes les portes secretes et autres tunnels offerts par Dame Nature.

Au fond du jardin, un cours d'eau traversait de part en part les Bois du Pont des Îles: c’était le Vistre, maigre cours d'eau finissant dans la Mer.
D'aucuns parmi les cousins ayant vécu à l'époque dans les lieux, le revendiquent légitimement comme étant un fleuve capable d'impétuosité: le Mékong de la Provence!
Marcel Pagnol lui répondrait sans doute malicieusement « Quand il pleut, bien entendu ».

C'est vrai qu'il a comme point commun avec le Mekong d'être imprévisible en cas de pluie et de charrier la plupart du temps des alluvions troublants dans une eau mousseuse plus que douteuse...
 Toujours est il que je n'ai connu le Vistre que mollement ambitieux: Fournissant tout au plus par endroits de l'eau à mi cuisse lorsque dans nos explorations aquatiques nous devions chercher des plages navigables en portant nos embarcations de fortune.

Le Vistre disposait au milieux des bois, d'un port en pierres délabrées, refuge stratégique pour les radeaux des intrépides explorateurs d'un jour.
Il nous donnait l'occasion, chaque été, d’entreprendre en architectes de génie, la construction d'un pont à base de vieux tubes d'arrosage quémandés auprès de l'Oncle Raymond et de piquets de vigne larcinés ici ou là.
Le pont de l'année précédente disparaissait mystérieusement chaque hiver sans doute emporté par l'impétuosité du petit frère du Mékong. A moins que les services de la voirie fluviale aient éliminé avec agacement pour la nième fois cet obstacle si peu naturel à la liberté d’expression du petit frère.
Le Vistre constituait enfin le dernier rempart de l’île des enfants récalcitrants, une sorte de Dien Bien Phu pour adultes ne comprenant pas l'Histoire...

Venons en aux délices au sujet desquels  nous avons beaucoup de réclamations...
Cet épisode relatait du jardin, les délices étant là pour appâter les gourmands.
Mais comme il faut de la respiration à l'inspiration nous traiterons le sujet dans un épisode prochain dénommé si vous le voulez bien « Les délices du Jardin ».

 

Madame, monsieur bonsoir,

A vous les studios 

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